"Vous utilisez quel matériel ?"

Loin de moi l'idée de râler ou de me moquer, plutôt d'expliquer !

"C'est quoi comme marque ?" ou "C'est quel modèle ?" ou "Vous montez quels objectifs ?" ...

Voilà des questions que nombre d'invités au mariage, ou de clients de prestation, posent au photographe. Et pour cause principale, la croyance que le matériel utilisé est le premier facteur de qualité du reportage. Aussi souhaitent-ils généralement s'assurer que le rendu sera bon.

Oui mais l'appareil ne se place pas seul au bon endroit au bon moment, et ne choisit pas sa focale (son "grossissement") en fonction du rendu qu'il souhaite ! En effet, au départ de toute photo il y a une intention.

C'est en général cette intention qui nous pousse à nous placer d'un point de vue déterminé, avec un angle de vue adapté à la composition et au cadrage souhaité.

La composition est un choix ; ici il fallait être dans cet axe pour tout avoir sur le cliché, de façon lisible !

C'est cette intention encore qui nous aide à choisir la focale (le nombre en mm comme 35, 50, 85, 135, 200 mm, ...) pour embrasser une large zone ou se concentrer sur un détail, l'ouverture (le réglage f/5.6 ou f/1.4 par exemple) pour que tout soit net ou seulement les mariés, le temps d'exposition (le réglage 1/30 ou 1/500 par exemple) pour que le bouquet lancé soit net ou qu'on voit que la demoiselle qui l'attrape est en plein mouvement.

C'est cette intention toujours qui détermine le moment exact du déclenchement (pas forcément en rafale, d'ailleurs !), la zone où sera faite la mise au point (LE marié ou LA mariée, quelquefois c'est intéressant de choisir !!!), la température de couleur (dommage de laisser l'appareil sortir des photos d'église toutes bleues).

C'est enfin parce que le photographe est animé par cette intention qu'il donne des instructions aux mariés lors de la séance de couple, si tout va bien et qu'il a un style propre, cela donne des images plus personnelles !

Je réalise à ce stade que je parle essentiellement technique, ce qui semblerait donner raison à mes interlocuteurs du premier paragraphe !? Pas tout à fait. La technique est en effet primordiale, car une photo floue à la prise de vue ne sera jamais nette, il fallait y penser avant. Parce qu'une photo bien trop sombre pourra s'éclaircir dans une certaine limite mais au prix d'une sévère perte de qualité. Un cadre trop étroit ne sera pas réélargi au développement. Un choix d'angle de vue à la lumière peu flatteuse ne sera pas récupérable en post-production ...

Quand c'est flou, ben ... c'est flou ! irratrappable.

Donc la technique est primordiale mais je parle là de maîtrise technique du photographe, pas de qualité technique du matériel ! En tant que photographe pro je me dois de gérer la technique de façon intuitive (comme un conducteur de véhicule expérimenté ne réfléchit plus à chaque passage de vitesses) pour me concentrer sur l'intention, sans laquelle tous les reportages se ressemblent !

Ne crachons pas dans la soupe cependant. Les photographes professionnels ont en général du matériel professionnel - encore qu'il n'est pas rare qu'ils travaillent à côté d'amateurs bien mieux équipés qu'eux ! Ce matériel professionnel me permet une mise au point rapide et efficace, m'aidant à être réactif ; une très haute définition d'image, pour recadrer au besoin ou tirer en grand (pour les paysages essentiellement) ; des objectifs très lumineux qui détachent parfaitement si besoin, le sujet, net, de son arrière-plan, plus flou ; une image avec peu de bruit numérique.

On peut comparer le photographe, son boîtier et son objectif, avec le peintre, son pinceau et ses couleurs ; s'il s'équipe chez Lidl il fera du moins bon travail que s'il se fournit chez Dalbe, mais le résultat sera meilleur venant d'un peintre reconnu avec du piètre matériel, que d'un peintre débutant richement achalandé !

De même et pour rester dans le domaine photographique, Robert Doisneau, Lee Miller, Robert Capa, Vivian Maier, ... n'ont jamais eu à leur disposition les appareils extraordinaires dont nous disposons aujourd'hui, y compris en entrée de gamme, même les smartphones font mieux dans certaines situations ... et ce n'est pourtant pas Tonton, même avec son Sony A9III ou son Canon R5II, qui marquera l'histoire ! (moi non plus malheureusement ;) )

Portrait d'Henri Cartier-Bresson avec son fidèle Leica, par John Loengard

J'espère avoir démontré que ces questions sont donc globalement à côté de la plaque. Mais je vais y répondre tout de même encore que la réponse soit évolutive : mon appareil principal en mariage est à ce jour un hybride Sony (A 7R IV, sorti en 2019), et j'utilise alternativement des objectifs zoom (Tamron 70-180 mm mark II et Tamron 17-28 mm notamment) et des focales fixes (Sony Zeiss 50 mm f/1.8, Sony GM 85 mm f/1.4). Avec parfois (de plus en plus rarement !) un flash cobra. Et éventuellement d'autres accessoires, d'autres objectifs, ... selon les besoins particuliers !